Pourquoi je n’irai pas au rassemblement du 11 janvier 2015
Plusieurs réflexions
trottinent dans ma tête depuis mercredi dernier, il faut garder le calme parce
qu’on nous traîne, forcement et facilement, dans une émotion insupportable,
douloureuse, faite d’incrédulité, d’horreur, de compassion. Je pleure des
hommes et des femmes libres dans un monde, y compris le leur, le nôtre, qui ne
l’est pas. Je pleure des hommes et des femmes de foi (laïque, civile) tués par
un groupuscule d’infidèles.
Deuil. C’est une affaire privée, sérieuse et de longue haleine. Il est insupportable
de continuer de voir comme l’intimité, la pudeur doivent être affichées, au
risque - prétendu - de ne pas être authentiques, profondes. Il parait que le
privé doit parfois, dans nos sociétés d'images, se faire public et politique. Cette
théâtralité est l'illusion ultime d'une part de prouver que l'on est, malgré
tout, humain et d'autre part de compter quelque chose dans le débat politique.
Je ne conteste
nullement, que ce soit clair, les bons sentiments de la plupart de nous et non
plus la sincère foi républicaine. La place publique est devenue un lieu de non
sens : on croit prendre la parole, on assiste à des assassinats, Charlie
Hebdo était une place publique, elle a été ravagée ; bien avant, nous
avons vu des jeunes, des poubelles et des voitures en feu, tout passe sous l’œil
impitoyable des caméras et d’une presse affamée. Puis, on se jette dans cette
même place pour faire un deuil collectif : notre action citoyenne, tout
comme notre conscience, sont blanchies.
Ce serait la
moindre chose, si ce n’était que cela. En sortant petit à petit, et à fatigue,
de l’émotion, je vois des troupeaux de brebis qui inondent les rues, les
places, les ruelles, les chaînes de solidarité se multipliant dans l’autre
monde, le virtuel. Voilà une armée de paix, nombreuse, solidaire, fidèle... qui
se fait l’outil de la prochaine guerre.
La place est devenue
le nouveau front, lieu de partage, d’émotion et de mort. C’est l’infanterie qui
arpente les tranchées, chaque fantassin faisant nombre à la table des
négociations, qui est toujours ailleurs, inaccessible, inéligible.
Némésis. J'ai grandi dans l'idée que le politique était dans la place publique,
lieu de rassemblement. Mais une place de rassemblement politique doit, pour
avoir du sens, être déstabilisante. Rien de tout cela dans ces places qui se
remplissent pour un rite collectif, à l’instar d’un rite religieux (la religion
laïque et républicaine). Là encore : pendant un rite doit se passer
quelque chose d'audace et de provocateur.
C'est fantastique de constater que
d'un rite, en revanche, on ne garde que le silence, mot que tout récemment est
accompagné de l’adjectif "assourdissant", un oxymoron qui est
la preuve de toute notre impuissance.
Terrorisme. Les criminels qui tuent n’ont pas d’étiquette,
leur en fournir une ce n’est que jouer leur jeu et celui de leurs mandants. La
question du langage n’est pas anodine. Le langage forme des idées tout comme
les idées créent un langage. Il faut donc bien savoir et savoir dire ce que
nous voulons à nos représentants politiques. La confusion est grande et les représailles
pourraient frapper la fausse cible. C’est du déjà vu.
0 Comments:
Posta un commento
<< Home